Alain Legros

Montaigne entre Fortune et Providence

[Résumé]

Montaigne aime le mot « Fortune », il connaît aussi « Destin » et Fatum, il ne boude pas pour autant « Providence ». On lui a sans doute suggéré, à Rome, d’utiliser ce vocable théologique pour remplacer cette « Fortune » jugée de « mauvais goût » (dans l’autre camp, on jugeait de même). Il fera quelques corrections, mais le mot à « rhabiller » reviendra plus tard en force. Est-ce affaire de croyance (ou d’incroyance)  ? Conception philosophique ? Indiscipline caractérisée ? N’est-ce pas plutôt une façon d’exprimer son exaspération par rapport à tous ceux qui, confondant leurs intérêts et passions, enrôlent la Providence à leur service ? Et encore, une manière de revendiquer un statut, une liberté d’auteur, d’auteur d’un livre délibérément, poétiquement, religieusement profane ? Se joue ici la conception toute personnelle que Montaigne a du temps, de la longue durée, de l’instant ou kairos, de l’« à propos », du rôle que peuvent jouer les dés dans une décision privée ou politique, de l’importance du hasard et d’une relative improvisation dans la rédaction et la composition de son propre livre. Mais on peut aussi y lire l’inscription des Essais comme texte « troublé » (Cave), révélateur d’une fin de siècle aux embarras et conflits terminologiques significatifs.

[Télécharger l'article]

http://umr6576.cesr.univ-tours.fr/publications/HasardetProvidence/fichiers/pdf/Legros.pdf