Jean-Claude Zancarini

Résister à la fortuna : Francesco Guicciardini (1483-1540) et l’infinie variation des choses du monde

[Résumé]

« Les décisions des hommes ne suffisent pas à résister aux coups de la fortune », note Guicciardini (Histoire d’Italie, V, 15) : on peut être défait par « mauvaise fortune » surtout dans une « qualité des temps » marquée par la guerre. Guicciardini estime qu’il ne faut pas voir là un effet de la volonté du ciel, d’une justice immanente ; selon lui, la justice de Dieu n’intervient pas directement dans l’histoire des hommes, la « fortune » n’est pas l’expression de la volonté divine, mais elle n’en existe pas moins. Guicciardini constate en effet que « tout bien considéré, on ne peut nier que dans les choses humaines la fortune n’ait une très grande puissance, car on constate qu’à chaque instant des incidents fortuits donnent naissance à de très grands mouvements qu’il n’est du pouvoir des hommes ni de prévoir ni d’éviter » (Ricordi, XXX). Le domaine où la fortune est la plus puissante est, sans conteste, la guerre : « Comme chacun le sait, la puissance de la fortune est très grande dans toutes les actions humaines, elle l’est plus encore dans les affaires militaires que dans toute autre chose, mais elle est inestimable, immense, infinie dans les combats. » (Histoire d’Italie, II, 9). Dès lors, l’existence de la fortune désigne l’existence de limites, celles de l’activité humaine, de l’entendement et de la prudence. Résister à la fortune, dès lors, c’est agir en sachant qu’il y a des limites de l’action politique et militaire dont il faut tenir compte.

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