Orest Ranum

Le Hasard, la Prudence et la Providence dans la pensée du Cardinal de Richelieu

[Résumé]

Dans son Testament politique (340 pages, éd. F. Hildesheimer), le Cardinal de Richelieu emploie le mot hasard 23 fois ; les mots prudence / imprudence, 52 fois ; le mot Providence, 6 fois ; et le mot Dieu, 85 fois. Homme de pensée, homme d’action, et le plus savant de tous les hommes qui ont conseillé les rois de France aux siècles modernes, Richelieu maîtrise parfaitement les discours politiques et moraux des années 1620-1640. Il est docteur en théologie de la Sorbonne (et proviseur pendant les années de son ministère), évêque réformateur, abbé réformateur de Cluny, et principal ministre depuis 1624 jusqu’à sa mort en 1642. Il a consacré sa vie à la rude tâche de gouverner la France selon les plus hauts principes chrétiens, étatistes, et moraux. En dépit de son travail d’homme d’État, Richelieu a su garder pour lui-même une solitude intérieure pour la prière et la réflexion sur les contradictions, voire les incohérences qui s’étendaient à travers la pensée politique et morale européenne depuis les débuts du XVIe siècle. C’est un écrivain engagé dans les controverses de son temps et qui produit de grands ouvrages sur le passé historique (l’histoire du règne de Louis XIII, connue sous le titre Mémoires), sur le futur (Le Testament politique), et sur la conversion des Huguenots (Traité de la Perfection du Chrétien). Le Testament politique est divisé en deux parties : la « Succincte Narration » est un résumé historique du règne de Louis XIII qui démontre, cas par cas, la prudence réelle exercée par ce roi dans les décisions ; et le programme de réforme des institutions françaises pour établir « le règne de Dieu ».
Je propose une analyse approfondie du « clou » ou de l’essentiel de la pensée du Cardinal. Sa maîtrise totale du vocabulaire moral, notamment par l’emploi des concepts hasard, prudence, et providence, devrait pouvoir révéler la cohérence (ou l’échec) qu’il a tant recherchée à travers les réflexions politiques et morales provoquées par son action politique et par ses lectures. Je tiendrai compte des engagements pris pour et contre d’autres courants de pensée morale, et je tâcherai de rendre plus compréhensible pour nous l’influence de Tacite et de Machiavel sur sa pensée et son œuvre. Agité, troublé, et angoissé par des options stratégiques ambiguës, et par les oppositions à sa politique et à sa personne (menace d’assassinat), Richelieu fonce à travers l’ombre obscure de la réalité pour suivre son idéal de l’État chrétien et absolu. Seule, la pensée claire et raisonnée a rendu possible son but. En guise de conclusion, je revisiterai les grands débats autour de la guerre et de la conspiration pour pouvoir dégager ce qui est la Providence, et ce qui est de Dieu dans les derniers mois de sa vie.

[Télécharger l'article]

http://umr6576.cesr.univ-tours.fr/publications/HasardetProvidence/fichiers/pdf/Ranum.pdf