Martin Schmeisser

Oracles, miracles et antiprovidentialisme dans le De Admirandis : Jules César Vanini, un émule de Lucien ?

[Résumé]

Après sa condamnation comme « athée et blasphémateur » et son tragique martyre sur le bûcher le 6 février 1619, à Toulouse, le célèbre philosophe de Taurisano, Jules César Vanini, est devenu le type même de l’athée, entre autres grâce aux Pères Garasse et Mersenne, qui se déchaînèrent contre lui dans leurs ouvrages apologétiques. C’est au XVIIe siècle déjà qu’est fait le rapprochement entre l’athée de Taurisano et Lucien de Samosate, connu comme le plus impie philosophe de la Grèce antique, dont Lactance affirme qu’il n’a « épargné ni les dieux ni les hommes » et qui a été fait par Étienne Dolet un synonyme de « sans-Dieu ». Selon François de Rosset, qui trace dans ses Histoires tragiques la biographie de Vanini, celui-ci aurait quitté le nom de Vanini, pour se faire appeler Luciolo ; il aurait «emprunté ce nom infâme pour l’amour de Lucien qui, jadis, fut le plus grand athée de son siècle.» Voilà notre Luciolo un nouveau Lucien, et comme lui le plus grand athée de son siècle. Bien que de Rosset ne vise ici qu’à injurier Vanini en dénonçant son athéisme, il semble que le lien qu’il crée entre Luciolo et Lucien ne soit pas dénué de tout fondement réel. Dans son De admirandis, Vanini invoque maintes fois Lucien, entre autres dans le dialogue consacré aux oracles. Il y adopte les opinions du philosophe de Samosate sur les oracles, qu’il dénonce comme impostures de prêtres. Cependant il refuse de se rendre à la demande d’Alexandre, son interlocuteur, de citer ses œuvres, en lui expliquant qu’il a les écrits de Lucien dans sa bibliothèque et qu’il les lui prêterait, pour qu’il les lise pour lui. D’un côté, cette prudente mesure d’autocensure évite à Vanini de s’engager plus loin dans un discours d’une impiété mal cachée ; d’un autre côté elle incite le lecteur à découvrir par lui-même Lucien comme auteur qui, au-delà des sources citées, véhicule clairement l’intentio auctoris.
Nous proposons de suivre cet indice, et l’on s’efforcera de caractériser l’influence de Lucien sur le philosophe de Taurisano, en prenant appui sur le développement de certains thèmes majeurs du De admirandis, comme les oracles, les miracles et autres phénomènes « divins ».

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