Michel Jeanneret

Les monstres et la question des causes

[Résumé]

Dans sa démystification des supposés miracles et autres monstres douteux, Montaigne invite à observer les choses plutôt qu’à rechercher les causes. À force d’assigner aux événements insolites une origine surnaturelle, on s’aveugle sur leur vraie nature, qui est immanente et contingente. Les autres auteurs que j’étudierai poussent moins loin le scepticisme. Ils tentent de déterminer des causes, naturelles ou surnaturelles, mais reconnaissent une ample marge d’incertitude, se situant quelque part entre deux extrêmes : l’idée de pur hasard est rare, le monstre peut être un signe et répondre à une intention providentielle ; mais l’idée de nécessité n’est pas acceptée pour autant, elle limite la portée des phénomènes, leur assigne un sens exclusif, implique une confiance herméneutique abusive. Une solution fréquente consiste à multiplier les hypothèses sur les causes possibles ou à esquiver la question. Chez les trois auteurs que je réunis, les monstres ne sont ni vraiment nécessaires, ni complètement aléatoires, mais incertains. J’étudierai Ronsard, Prognostiques sur les misères de nostre temps, Rabelais, quelques-uns des épisodes «monstrueux» du Quart Livre, Ambroise Paré, Des Monstres et prodiges. Si ces auteurs ne se résolvent pas à réduire les phénomènes monstrueux à la rigueur d’un ordre causal fondé en nécessité, c’est qu’ils s’attachent à la dynamique créatrice de la Nature, à son inépuisable et imprévisible ingéniosité.

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