Gilles Bertheau

Ni hasard, ni providence : le héros chapmanien pris au piège du machiavélisme

[Résumé]

Alors que Jacques Ier d’Angleterre se pose en roi de droit divin, théoricien d’un absolutisme ferme et éclairé, qui rêve d’une relation de claire confiance entre le monarque et ses sujets, George Chapman développe, sous le règne de ce roi, une forme de tragédie et de tragique qui vient fortement nuancer la vision idéale et royale des relations roi / sujets. Au fil de ses cinq tragédies, dont quatre à sujets français, les héros évoluent dans un monde (la cour) d’où l’idée même de providence est exclue, sans toutefois que leur sort ne soit livré à la fortune. Le dramaturge montre bien comment Dieu est soit absent du champ politique, soit utilisé pour masquer le mal, à travers les pratiques machiavéliques de l’entourage royal et machiavéliennes du roi. Le héros chapmanien, qui clame une liberté d’action absolue et s’oppose en cela à son monarque, est alors pris au piège d’un machiavélisme que ses agents nomment parfois cyniquement fortune (dans Bussy d’Amboise par exemple). En ce sens, et loin de l’idéalisme de Jacques Ier, Chapman donne à voir le fonctionnement de l’État moderne en créant, avec d’autres (Marston, Webster, Jonson), le genre de la tragédie d’État, dans laquelle seul le jeu des calculs humains intervient, sans place pour le hasard ou pour toute forme de transcendance.

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